Mauritanie : Une majorité non quantifiable

sam, 10/11/2018 - 09:23

Une idée « reçue » veut que la majorité existe en Mauritanie comme le pendant du pouvoir et non une partie de celui-ci. Même le parti au pouvoir, présentement l’Union pour la République (UPR) ne déroge pas à cette ligne tracée du temps de Taya, faisant un parallèle entre le pouvoir « officiel » et le pouvoir « officieux », entre l’Exécutif (à travers son administration) et les partis qui le soutiennent. Le calme apparent au sein de cette majorité est souvent troublé par les remous que provoquent la sortie d’élections où l’on évalue l’assise de chaque formation politique et décide de la conduite  tenir.

Présentement, c’est le « weylemak yel warrani » (gare au dernier) qui prévaut. La « majorité » va se dissoudre dans l’UPR. La conséquence du fameux seuil critique de 1%  ou une exigence de la présidentielle de 2019 ?

Les partis dits de la majorité (une cinquantaine ou plus), sans le dire ouvertement, ont toujours voulu d’une redéfinition des rapports entre le pouvoir et les formations qui le soutiennent mais aussi entre le parti-Etat et le reste de cette majorité. On sait aujourd’hui que partis politiques et personnalités qui comptent dans la mobilisation des masses, à la veille de toute élection, ne font rien pour rien. L’Est, traditionnellement rangé du côté du pouvoir, commence à bouger. Même si la crainte d’être traité d’opposant au régime, de subir des harcèlements qui peuvent même conduire jusqu’à la prison, par le dépoussiérage d’anciens dossiers, joue toujours comme une sorte de frein à ce besoin de dire « non ».

L’idée même que la majorité aujourd’hui n’existe que de nom est consolidée par le fait que personne n’est en mesure de citer les partis qui compose la CPM (Coalition des partis de la majorité) mais aussi parce que trois formations parmi les plus importantes des soutiens du président Aziz (UDP, Al karama, Le Sursaut) n’ont jamais cherché à pousser le pouvoir à envisager une redistribution des cartes. Jusqu’à présent, le raïs ne prête attention qu’à l’UPR, dont les hauts responsables viennent d’être cooptés dans le gouvernement. Naha Mint Mouknass, la présidente de l’UDP, fait cependant exception, en conservant son fauteuil de ministre.

La compétition pour les premiers rôles est la seule activité connue au sein de l’UPR, et l’opportunité d’être « promu », l’opportunisme, peut avoir comme effet de pousser des leaders d’opinion, de la majorité ou de l’opposition, à quitter leurs partis pour prêter allégeance à l’UPR.

Cette « migration » politique s’accentue généralement à la veille des élections municipales et législatives quand la recherche de placements politiques sûrs devient l’urgence du moment. C’est dire tout simplement que la majorité hétéroclite du président Aziz n’inspire pas confiance. Elle est quantifiable en partis (une soixantaine) mais non en voix, comme l’a montré l’écart, énorme, entre le million d’adhérents de l’UPR, et les « votants » des récentes élections municipales, régionales et législatives. Cette amère réalité permettra à Aziz, au cours de cette fin d’année 2018, quelques mois avant la présidentielle, de faire les réglages nécessaires; avant qu’il ne soit trop tard.

Sneiba Mohamed

 

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